La France tente de protéger le droit à l’avortement dans sa constitution et un premier pas a été franchi ce jeudi 24 novembre.
Avec une large majorité de 337 voix pour et 32 contre, le projet de loi du parti de gauche France Insoumisa, qui vise à garantir le droit à l’avortement en toute circonstance, a été adopté à l’Assemblée nationale.
Le texte a reçu un soutien notable de tous les députés de gauche ainsi que des députés du parti au pouvoir. En effet, le mouvement Renaissance dirigé par le président Emmanuel Macron a présenté un projet similaire qui sera examiné en législature la semaine prochaine.
« La question de l’accès à l’avortement, la question de sa protection n’est pas un caprice, ce n’est pas un gain politique, ce n’est pas une question de groupe politique (…) Ce texte deviendra le document qui doit pouvoir réussir », a déclaré la dirigeante de la Renaissance Aurore Bergé après le vote.
En France, l’avortement est dépénalisé depuis la promulgation de la loi Veil en 1974, amenant certains responsables politiques à juger inutile de casser un nouveau terrain juridique pour sanctifier la mesure.
Mais après le revers fulgurant aux États-Unis, où La Cour suprême a accepté l’arrêt historique Roe v. PataugerDiverses formations du pouvoir législatif français tentent de visser cela directement dans la Magna Carta.
Bien que les deux principales factions de droite et de gauche, qui sont normalement en désaccord sur d’autres questions, acceptent de soutenir la décision et aient déposé leurs propres projets de loi à ce sujet, les représentants de certaines factions au parlement s’y opposent.
L’approbation ce jeudi à l’Assemblée nationale n’est qu’une première étape et la décision doit maintenant être approuvée par le Sénat, entre autres.
Le chemin difficile pour inscrire le droit à l’avortement dans la constitution française
Le 28 novembre, le législateur français devrait examiner l’autre projet de loi sur la protection de l’avortement déposé par le parti de la Renaissance.
« Aucune femme ne peut être privée du droit à l’avortement », c’est la proposition du Parti de la Renaissance. L’initiative France Insoumise est similaire mais inclut le droit à la contraception et stipule que « nul ne doit violer le droit à l’avortement et à la contraception ».
Certains législateurs de partis de droite voient les projets de loi comme des réactions instinctives à un droit légal qui, selon eux, n’est pas menacé en France.
D’autres, comme le député français insoumis Adrien Quatennens, voient l’annulation de Roe contre Wade comme un drapeau rouge, préférant prendre des mesures préventives. « Compte tenu de la situation aux États-Unis, ce droit doit être protégé dans la Constitution car l’avenir est incertain s’il pourrait être menacé », a déclaré Quatennens au journal Le Monde.
Un paysage politique divisé
Le parti au pouvoir et la Nouvelle Union écologique et sociale du peuple (NUPES), une organisation faîtière de gauche qui comprend Francia Insumisa, semblent être parvenus à un consensus.
Pourtant, des parlementaires de partis d’extrême droite comme Los Republicanos ou Agrupación Nacional, issus de l’extrême droite, débattent entre positions conservatrices, voire contre l’avortement, et plus progressistes sur d’autres sujets.
Le député Los Republicanos Aurélien Pradié a récemment exprimé son soutien à la loi : « J’espère que nous pourrons voter la constitutionnalisation de ce droit », a-t-il assuré à Sud Radio.
Son opinion contraste toutefois avec celle du chef de son parti politique, Bruno Retailleau, qui, dans un message sur son compte Twitter, a exprimé sa réticence à inscrire le droit à l’avortement dans la Magna Carta.
Marine Le Pen, qui dirigeait jusqu’à récemment le parti d’extrême droite Rassemblement national, a toujours exprimé des réticences. « Nous ne sommes pas les États-Unis. Aucun parti politique en France ne réclame l’abolition du droit à l’avortement. Je ne comprends vraiment pas à quel danger ce projet de loi est censé répondre », a-t-il déclaré au Journal du Dimanche le 13 novembre.
Mais ce jeudi 24 novembre, à la veille du débat, l’extrême droite était favorable à la mesure. Une position qui a surpris tant ses adversaires politiques que les membres de son propre parti.
Au cours de sa campagne présidentielle de 2012, Le Pen a fait allusion à la fin du remboursement par le gouvernement des avortements et a expliqué qu’elle pensait que certaines femmes utilisaient l’avortement volontaire comme méthode de contrôle des naissances, après avoir parlé d' »avortements de confort ». Ses propos restent controversés.
D’autres membres de l’Agrupación Nacional rejettent ouvertement et inconditionnellement l’idée. Certains sont même allés jusqu’à comparer les avortements après 14 semaines (désormais légaux en France) aux « génocides arménien et rwandais et à la Shoah ».
L’obstacle au Sénat
Depuis l’adoption de la Magna Carta française actuelle en 1958, il n’y a eu que 24 révisions, la dernière ayant été approuvée en 2008.
Pour que la Constitution soit modifiée, elle nécessite l’approbation du Présidium, l’approbation des deux chambres du Parlement, l’Assemblée nationale et le Sénat, et l’approbation du texte final à la majorité des trois cinquièmes des deux organes législatifs. Une autre option consiste à organiser un référendum, mais seulement après que les deux assemblées ont voté en faveur de la loi.
Cela signifie que même si l’un des textes était adopté par l’Assemblée nationale, il y aurait encore un long chemin à parcourir avant que le droit à l’avortement ne soit inscrit dans la constitution.
Les candidatures correspondantes ont jusqu’à présent été rejetées par le Sénat français.
S’adressant à France 24, la sénatrice Mélanie Vogel du parti Europe Ecologie Les Verts a expliqué que depuis l’adoption de la « loi du voile » de 1975 « les sénateurs de droite se sont toujours opposés aux diverses avancées liées au droit à l’avortement ».
« (La droite) s’oppose au remboursement des frais d’IVG, à l’allongement du délai légal et à la criminalisation de toute intervention sur une grossesse », a-t-elle souligné, mais reste optimiste.
Les sénateurs de droite ont rejeté le 19 octobre la proposition du parti Vogel’s de protéger le droit à l’avortement dans la constitution.
Néanmoins, « l’opposition n’était finalement pas si forte », a-t-il fait remarquer, faisant référence aux 139 votes pour le oui.
Cet article a été adapté de son original En anglais
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