En 1682, l’ambassadeur vénitien à Madrid, Giovanni Carnero, écrivait à sa ville : « Il est incompréhensible que cette monarchie continue d’exister. » Il n’était pas le seul à ressentir cela. Même si la monarchie hispanique conservait encore à cette époque la plupart des vastes territoires que les Habsbourg avaient accumulés au cours des deux siècles précédents, des signes de faiblesse et de déclin étaient évidents dans tous les domaines.
Le roi qui dirigeait le pays Charles II était un homme faible et malade chronique qui manquait également de progéniture. De nombreux tribunaux européens pensaient que le monarque espagnol allait bientôt mourir sans laisser d’héritiers directs et se préparaient à se jeter sur les restes d’une monarchie apparemment mourante.
les deux Mariannes
Malgré sa faiblesse, Charles II tenta jusqu’au bout d’assurer l’avenir de son État. En 1689, ne se remettant pas encore de la douleur de la perte de sa première épouse française bien-aimée, Marie Louise d’Orléans, il se remarie afin d’avoir un héritier le plus rapidement possible. L’élue était Mariana von Neoburg, fille de l’électeur palatin.
Mariana était consciente que sa force à la cour était liée à la production prochaine d’un héritier de la monarchie, et pour ce faire, elle s’est soumise à toutes sortes de traitements : processions, saignées, changements d’air, purges… Mais rien ne servait à priver son mari d’un héritier. La souveraine, soumise à mille malédictions de palais en raison de sa prétendue infertilité, fut également confrontée à la rivalité de la reine mère Mariana d’Autriche.
Mariana de Neoburgo a subi tous les traitements possibles pour tomber enceinte : processions, saignées, changements d’air, purifications… sans succès.
María Luisa de Orleans, première épouse de Charles II par José García Hidalgo, 1679. Musée du Prado, Madrid.
María Luisa de Orleans, première épouse de Charles II par José García Hidalgo, 1679. Musée du Prado, Madrid.
P.S.
L’ambassadeur du Saint-Empire a écrit ceci à Vienne Il y a eu « une grande tempête » entre les deux îles Mariannes à propos de la nomination d’un gouverneur pour les Pays-Bas. L’épouse de la reine a nommé son frère Johann Wilhelm, qui résidait près de la Flandre, comme électeur palatin. La reine mère, quant à elle, comptait sur le mari de sa petite-fille María Antonia : Maximilien Manuel, électeur de Bavière, qui serait finalement élu.
Mariana d’Autriche espérait que Maximilien rendrait de bons services à la monarchie de Bruxelles, ce qui lui permettrait d’affirmer ses mérites. gagner l’héritage de Charles II pour son fils José Fernandoné en 1692. Il souhaitait également que cet enfant vienne en Espagne et soit reconnu comme le successeur de toute la monarchie espagnole, afin qu’elle reste indivise et que l’équilibre entre la France et le Saint-Empire soit préservé.
L’Autriche entre en jeu
La méchante épouse de la reine va même jusqu’à écrire que « pour gouverner seul le roi, il faut attendre la mort de la reine mère. » Ses vœux sont exaucés en mai 1696. Depuis Mariana de Neoburgo resta maîtresse du testament de Charles II. L’empereur tenta de profiter de la situation pour imposer son fils, l’archiduc Charles, comme héritier de l’Espagne. Le comte de Harrach, son ambassadeur, menaça d’emprisonner la reine dans un monastère si elle n’obtenait pas du roi un testament en faveur de l’archiduc.
La situation change radicalement en 1697, lorsque l’ambassadeur de France arrive en Espagne, après la fin de la guerre entre l’Espagne et la France depuis 1689. Le marquis d’Harcourt s’est consacré à former un « parti français » à la cour pour attirer le puissant cardinal Portocarrero. L’agent françaisdans le différend sur la succession à la couronne espagnole, a défendu les droits d’un nouveau candidat: Felipe de BourbónDuc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV et arrière-petit-fils de Philippe IV.
Le marquis d’Harcourt s’est consacré à former un « parti français » à la cour, attirant le puissant cardinal Portocarrero.
Mariana de Neoburgo à cheval. Portrait de Luca Giordano. 1693-1694. Musée du Prado, Madrid.
Mariana de Neoburgo à cheval. Portrait de Luca Giordano. 1693-1694. Musée du Prado, Madrid.
P.S.
Les deux candidatures posaient problème car on craignait qu’elles conduisent à une union de l’Espagne avec l’Autriche ou la France et créent ainsi une puissance hégémonique sur le continent qui mettrait en danger la position des autres puissances, notamment les Pays-Bas et l’Angleterre. Pour beaucoup, La seule solution était de désigner un successeur de compromis comme le prince bavarois.et répartir les domaines de l’Espagne en Europe et même en Amérique entre les autres pays.
Affrontement entre la France et l’Autriche
En 1698, Louis Guipúzcoa et l’archiduc Charles acquièrent le duché de Milan. Mais Vienne a fermement rejeté l’accord de Madrid. le roi a signé11 novembre 1698, un testament qui précisait que la monarchie entière était indivisible et que son héritier universel et légitime était le prince José Fernando. Ce plan fut contrecarré lorsque le garçon de sept ans mourut subitement en février 1699 : la Troisième Voie disparut avec lui.
En 1698, Louis XIV négocie un premier traité avec l’Angleterre pour le partage des territoires à la mort de Charles II.
Louis XIV, le Roi Soleil. Portrait de Hyacinthe Rigaud, 1701. Musée du Prado, Madrid.
Louis XIV, le Roi Soleil. Portrait de Hyacinthe Rigaud, 1701. Musée du Prado, Madrid.
P.S.
La France et l’Angleterre ont proposé puis à l’empereur reconnaître l’archiduc Charles comme roi d’Espagne, des Pays-Bas et de l’Inde, si le Roi Soleil avait la même part que lors de la répartition précédente. Mais l’empereur s’y oppose et Louis XIV décide de lever les obstacles à ses projets à la cour d’Espagne.
Le premier était le comte d’Oropesa, président du Conseil de Castille et principal partisan de la succession autrichienne au trône. Un matin d’avril 1699 La soi-disant « émeute des chats » a eu lieu sur la Plaza Mayor de Madrid., certainement organisé par des fauteurs de troubles intéressés. La protestation contre le prix du pain a provoqué des cris de mort de la part d’Oropoesa, responsable de l’approvisionnement de la capitale, qui a été licencié et a fui Madrid.
Les sorts du roi
Le deuxième obstacle était la volonté du roi. Entre 1698 et 1699 survient l’épisode des malédictions de Charles II., les prétendues malédictions qui auraient empêché le dirigeant de produire une progéniture. De Vienne fut envoyé le meilleur exorciste d’Allemagne, le frère Mauro de Tenda, qui expliqua que la personne qui avait enchanté le roi était « quelqu’un qui avait de la sympathie pour les lys français ». Après l’exorcisme, l’état de Charles II semble s’améliorer à la fin de 1699, mais les vomissements, les douleurs et la diarrhée reviennent immédiatement.
De Vienne fut envoyé le meilleur exorciste d’Allemagne, le frère Mauro de Tenda, qui expliqua que la personne qui avait enchanté le roi était « quelqu’un qui avait de la sympathie pour les lys français ».
Nomination de Philippe V comme roi d’Espagne le 6 novembre 1700. François Pascal Simon Gérard, entre 1800 et 1824.
Nomination de Philippe V comme roi d’Espagne le 6 novembre 1700. François Pascal Simon Gérard, entre 1800 et 1824.
P.S.
C’est alors que Louis XIV impose une troisième répartition25 mars 1700, qui ajoutait un ultimatum à l’empereur au partage précédent: S’il n’acceptait pas les conditions dans un délai de trois mois, on trouverait un prince qui recevrait l’héritage réservé à l’archiduc. Même si la nouvelle a été interprétée à Madrid comme une violation de la dignité de la monarchie, le parti français a su manœuvrer devant les tribunaux.
Don Carlos a consulté le Conseil d’État et l’a décidé a écrit au pape Innocent XII. et lui a demandé conseil sur la garantie que pouvait offrir « l’un des seconds fils du Dauphin de France » de « conserver indissociablement les royaumes de ma couronne et la sainte religion ». Le roi admettait avec pragmatisme que seul un prince gaulois pouvait détenir la totalité de l’héritage.
La France, l’élue
Le pape, résolument francophile, répond favorablement à la demande du roi et surmonte ses scrupules personnels. Charles II, convaincu que telle était la volonté de Dieu, se confessa, dit au revoir à la reine et reçut les derniers rites. Sous la pression du Conseil de Castille, qui lui a adressé le 1er octobre une requête précisant qu’un « gouffre de confusion » surgirait après sa mort si la succession n’était pas clairement clarifiée, Le roi a signé son testament devant le cardinal Portocarrero.
Le roi Charles II a fait des aveux, a dit au revoir à la reine et a reçu les derniers rites.
Dans le testament, le monarque a déclaré ce qui suit : «Je déclare mon successeur duc d’Anjou, second fils du Dauphinet en tant que tel, je l’appelle à la succession de tous mes royaumes et domaines. » Le 1er novembre, au terme d’un terrible tourment – « tout fait mal », se plaignit-il – il perdit connaissance et mourut des suites d’une grave crampe. Sa décision finale n’empêche pas qu’éclate deux ans plus tard la guerre de Succession d’Espagne qui ensanglante toute l’Europe.
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